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Il y a quelques décennies, avant l’abolition de la peine de mort, le condamné attendait dans son quartier de sécurité une grâce présidentielle. Quand il sortait de sa cellule, il empruntait un couloir : soit, il était gracié et ce couloir le menait à la prison à vie, sinon l’échafaud ! C’était le triste « couloir de la mort »…
Pour un malade en attente de greffe c’est pareil. Sauf que, la grâce sera accordée par un donneur. Pour qu’il y ait greffe, il faut un donneur. Pas de donneur, pas de greffe !
J’ai connu ce couloir de la mort et c’est grâce au don d’organes et à une équipe médicale formidable que je peux aujourd’hui en témoigner.

L’année 2004 marque le début des ennuis de santé avec mon foie.
Deux ans plus tard en 2006, je suis admis en réanimation après une hémorragie interne. Bien d’autres hospitalisations suivront…
On m’annonce finalement que je suis atteint d’un CHC, carcinome hépatocellulaires : un joli nom pour ne pas prononcer celui de « cancer primaire du foie ». Ce mal est soignable et surtout guérissable. Un long processus de soins s’engage alors, en commençant par des séances de radiofréquences. Puis, la maladie évoluant, on me dirige vers l’hôpital Paul Brousse pour des séances de chimio-embolisation.

Mais en 2011, le couperet tombe : le traitement n’a pas fonctionné. Il ne reste que la greffe pour me soigner, me sauver, retrouver une vie normale.
Dans mon cas, le don du vivant est possible. Parmi mes proches, seule ma seconde fille est compatible. Sans hésitation, elle se porte volontaire mais au fil des examens, on découvre que sa veine porte est mal placée : cela induit un risque important d’hémorragie lors de l’opération. Dès lors, mon refus est sans appel.
Il ne me reste plus qu’à attendre un donneur anonyme.

En mai 2013, un nodule se transforme en tumeur maligne : on ne parle plus de CHC mais de cancer. On m’opère début juin, avec deux bonnes nouvelles : il n’y a pas de métastases hors du foie et je passe dans la liste des receveurs prioritaires. Cependant, il m’est conseillé d’accepter une greffe domino : après avoir dialogué avec l’équipe médicale, j’accepte. Les médecins me permettent de partir en vacances à condition que je puisse me rendre à Villejuif dans les trois heures. Ce sont peut être mes dernières vacances, je pars de mi-juillet à fin août. J’en profite, j’essaie de ne pas y penser.

Le matin du 11 septembre 2003 matin, le téléphone sonne : « Hôpital Paul Brousse, nous avons un foie pour vous ». Je bredouille quelque chose avant de réaliser. Je prends le volant car ma femme est trop émue pour conduire. Je suis sur une autre planète, c’est fini, je suis sauvé.

J’aimerai vous parler de mon donneur, je ne le connais pas et pourtant il est vivant. Comme le veut la loi, le don est anonyme : je sais donc simplement qu’en disant OUI, il a offert une meilleure espérance de vie à 9 personnes : 7 par greffe directe et 2 par greffe indirecte. C’est ce qu’on appelle la greffe domino.
9 personnes qui sont vivantes et qui, chaque jour, ont une pensée pour lui et sa famille.
Ce n’est pas sans émotion, même trois ans plus tard, que je pense à cette famille que je ne connaitrais jamais. Je la remercie d’avoir respecté la volonté de son proche et de m’avoir rendu ma vie.

Après ma greffe, une fois rétabli, il est devenu naturel pour moi de m’investir dans une association en faveur du don d’organes.
Je suis donc désormais visiteur médical auprès des hôpitaux Paul Brousse et Bicêtre pour l’association TRANSHEPATE.
Le rôle d’un visiteur médical est de rassurer les patients hospitalisés en bilan pré-greffe et de soutenir les patients greffés.
Les 2 premiers mois sont pénibles et douloureux. Nous devons ré-apprendre à marcher, apprendre à vivre avec son nouveau « colocataire » mais après, c’est une nouvelle vie qui commence !
Les équipes médicales sont présentes et répondent à toutes les questions, mais rencontrer une personne greffée permet de poser celles que l’on ose adresser aux médecins, certaines sont très personnelles voire intimes.
Je rends visite à des adultes, des adolescents et des enfants de plus de 8 ans, les plus jeunes dépendant d’autres services.

Quelque soit l’âge, tout le monde peut être concerné par une greffe d’organes.

C’est pour cela que j’ai rejoint France ADOT 95, tout d’abord en tant que bénévole, puis membre du Conseil d’administration depuis 2015.
Rassurer et soutenir les personnes en attente de greffe, c’est bien. Sensibiliser le public à la nécessité de donner, c’est mieux ! C’est mon rôle et celui de tous les bénévoles de France ADOT.
Vous aussi, parlez-en autour de vous à vos proches, à vos amis, à vos voisins, à vos collègues. Plus vous en parlerez, plus il y aura de vies sauvées. Le don d’organes, c’est oui ou c’est non mais on se le dit maintenant !